"When the chimes ring five, six and seven,

we'll be right in seventh heaven"

 

Ces paroles extraites de "Rock around the Clock" de Bill Haley, véritable acte de naissance du rock 'n' roll, chantée en 1954, ouvrent le bal de ce que les anglosaxons appellent "l'Âge d'or" et que Jean Fourastié avait nommé les "Trente Glorieuses". En France, la IVe République mène la Reconstruction avec un succès certain, tout en affrontant les guerres de décolonisation et les crises gouvernementales.

Pourtant ces paroles qui évoquent une sorte de carillon céleste renvoient aussi à une autre interprétation : en 1947, les savants du Bulletin of Atomic Scientists de l'université de Chicago mettent au point l'horloge de la fin du monde (Doomsday Clock). Les années 50 sont les années de Guerre froide, marquées par la crise de Berlin, la Guerre de Corée et le développement de l'équilibre de la terreur (la M.A.D. ou destruction mutuelle assurée) entre les Etats-Unis et l'URSS. Une folie pour certain, une assurance-vie garante de la paix pour d'autres. Les années 50 sont donc ces années où l'on danse le rock'n roll en Occident dans l'espoir de ne pas finir au 7e ciel par un tir apocalytique. Etrange époque, quand on y pense, quoique de moins en moins différente de la nôtre...

Bien sûr, tous les humains ne dansent pas le rock ni ne goûtent aux joies supposées de la consommation de masse dans un modèle fordiste. L'URSS connait une forme de libéralisation après la mort de Staline en 1953, tandis que la Chine de Mao expérimente la campagne des Cent Fleurs, puis le Grand Bond en Avant, de sinistre mémoire. La mondialisation contemporaine est alors juste balbutiante : c'est en 1956 que le SS Ideal X quitte le port de Newark pour Houston avec les 58 1ers conteneurs (les plus gros navires en transportent aujourd'hui plus de 23000...). Y avait-il déjà du matériel photographique à bord ?

Il est certain que le développement de la production (films, appareils, accessoires) pour un plus large public nécessite désormais des procédés techniques et des modes de transport plus adaptés. C'est en 1947 que la Canon Camera Co. prend son nom définitif au Japon (1946 pour la marque Nikon, entreprise fondée en 1917).

En Allemagne, les entreprises nées dans la 2e moitié du XIXe siècle s'adaptent à la nouvelle donne géopolitique issue du Rideau de fer, à l'instar de Carl Zeiss qui se scinde en deux sociétés : Zeiss Ikon en RFA, Zeiss Jéna - Opton en RDA (versée ensuite dans Pentacon).

Et en France alors ? Donnons la Parole à Charles Trenet, c'est lui qui en parle le mieux :

 

"Le ciel d'été
Remplit nos cœurs d'sa lucidité
Chasse les aigreurs et les acidités

Qui font l'malheur des grandes cités
Toutes excitées."

(Nationale 7 - 1955)

 

Car la société française d'après guerre connait de profondes transformations avec les vacances (les congés payés de 1936), mais aussi la société des loisirs et la consommation qui s'incarnent dans les 1ers salons de l'automobile ou encore des arts ménagers, ceux-là même où l'on peut faire l'acquisition d'une tourniquette à faire la vinaigrette ou, mieux encore, d'un Ultrareflex.

Pour le grand public, c'est l'époque ou la bakélite et l'aluminium remplacent peu à peu le bois, la tôle emboutie et le simili cuir, tandis que les cellules au sélénium s'imposent. Tout ceci n'est-il pas follement rock 'n roll ?