Les Argentiques

La passion des appareils anciens et récents

Dans une certaine mesure, le laboratoire argentique peut se comparer à un cabinet d'alchimie. On y réalise le Grand Oeuvre à travers trois étapes fondamentales. L'oeuvre au noir, dans la camera obscura, lorsqu'on y charge le film. L'oeuvre au blanc qui expose le film lors de la prise de vue. Enfin l'oeuvre au rouge qui révèle l'image en projetant la lumière à la clarté de la lampe inactinique. 

 

De ce Grand Oeuvre, l'appareil photographique est le creuset. Tout passe par lui et rien ne se fait sans lui. Rien ? Si, bien sûr. L'histoire de la photographie depuis Niépce fourmille d'exemples d'expériences que l'on peut toujours reproduire afin de capturer la lumière, telles que les photogrammes, source inépuisable de créativité. Néanmoins l'appareil photographique, du plus simple au plus sophistiqué, du plus modeste au plus onéreux, établit une médiation particulière entre l'univers sensible et l'oeil de l'observateur, médiation qui se poursuit jusque dans la cuve. Les appareils qui suivent sont de ces médiateurs et j'ai plaisir à vous les présenter, sans préjuger de leurs qualités réelles ou supposées, juste pour ce qu'ils sont : l'expression d'un rapport au monde, en lien avec des ruptures techniques, en un lieu donné, en un temps donné.

 

Ces artefacts, ramassés comme des coquillages dans un seau par un enfant sur une plage, expriment une manie que certains connaissent bien : celle d'amasser des objets sans que cela ne doive jamais prendre fin. Iconomécanophilie paraît-il. Faut-il consulter ? Faut-il s'en féliciter ou s'en plaindre ? Quoi qu"il en soit cela commence ainsi : un adolescent ouvre la porte d'une pièce qui exhale des odeurs étranges et qui renferme des objets à la destination incertaine, voire hermétique. Un adulte, un père, dévoile par devers lui une part inconnue de son univers intérieur. On est alors exposé au danger et tout semble possible : l'indifférence totale ou la subtile séduction des odeurs, des couleurs et des formes. Ici un minolta XD7 à côté d'un agrandisseur Durst, trônant au milieu de piles de boîtes de papier photographique.

 

Lorsque c'est possible les appareils exposés sur ces pages, replacés dans leur époque des années 20 aux années 2000, sont présentés accompagnés des images qu'ils produisent encore, selon leurs moyens. En la matière et contrairement au dicton, ce n'est pas dans les plus vieux pots qu'on fait les meilleures confitures, mais ce n'est pas non plus sans saveur...

Le Photomètre James est, si l'on en croit la première page du mode d'emploi, l'aboutissement de plusieurs siècles de recherches sur la gradation de la lumière. Tout commence avec Pierre Bouguer, mathématicien et physicien français du XVIIIe siècle, qui publie en 1729 un Essai d'optique sur la gradation de la lumière. Il établit une loi (loi de Bouguer) qui détermine le degré d'absorption de la lumière par la matière. Les Anglo-Saxons, qui sont des gens jaloux, la nomment loi de Beer. Cependant, l'idée lui étant venue en obervant la lumière passer à travers un verre de vin rouge, nous sommes bien sur de la science française.

 

 

L"objet dont il est question ici a été produit entre 1945 et 1946, à Marcy-sur-Anse dans le Rhône, charmante bourgade où il y a une église. Il a été déposé sous la forme d'un brevet S.G.D.G., sans garantie du gouvernement, mais gageons que le Gouvernement Provisoire de la République Française avait alors d'autres chats à fouetter. Il est fort possible que le brevet ait d'ailleurs été déposé avant, entre 1941 et 1942, ce qui ne change rien à l'appareil, mais tout au gouvernement.

 

 

L'usage du photomètre est simple et bien décrit par le manuel. On pose son oeil sur l'oculaire et on braque l'engin vers le sujet. On fait alors tourner le volet jusqu'à disparition du cecle de lumière observable. On rouvre légèrement, on referme jusqu'à observer un infime point de lumière. La mesure est faite et il n'y a plus qu'à lire les indications sur le cylindre et régler l'appareil. D'après le mode d'emploi, cela prend 4 secondes. C'est en tout cas plus rapide et plus fiable qu'à travers un verre de vin rouge. Par ailleurs le degré d'absorption de la lumière n'étant pas le même avec un Brouilly et un Bergerac, on comprend vite la limite de cette dernière technique.

 

 

Laissons le mot de la fin au manuel qui nous rappelle, s'il était besoin, "qu'il faut laisser à la pellicule le temps le voir le sujet sans qu'elle soit éblouie toutefois par un excès de pose". Et pout ceux qui seraient en peine de déterminer le bon sujet à photographier :

 

 

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Carl Gustav Jung